jeudi 17 octobre 2013

Les Masques de Nyarlathothep - les notes d'Angela Hopper - partie 1

Chère Anna,

Je sais que tu m’en veux de n’être venue à l’anniversaire de la petite Alice mais ces derniers jours furent si intenses, une fois que je t’aurai expliqué les raisons de mon absence, je sais que tu me pardonneras.

Je me préparais à faire le voyage jusqu’à la maison de famille quand je reçus un télégramme d’Elias. Tu te souviens sûrement de lui, je t’ai parlé à maintes reprises de son incroyable intelligence, que gâche cependant un certain attrait pour les choses mystiques. Il se trouve que ce télégramme m’inquiéta grandement par son contenu, inquiétude d’autant plus vive qu’Elias n’avait pris contact avec moi depuis de nombreuses années. Cher Elias … il nous a quitté dans des circonstances des plus affreuses, et je dois tirer les choses au clair !
Il semblerait que tout soit lié à la tragique expédition Carlyle, dont la presse a fait les échos. Tu as dû lire dans les journaux son issue fatale qui a conduit à la mystérieuse disparition de ses membres.
Le temps presse, je voudrais être plus précise mais je dois faire vite car j'ai encore beaucoup de choses à faire.
Je t'envoie ces quelques pages de mon journal afin que tu comprennes.
Surtout ne t'inquiète pas, notre cousin Mickael ainsi qu'une jeune demoiselle m'accompagnent. Ne fais rien pour me rejoindre tant que je ne te le demande pas.

Je t'embrasse, ta sœur Angela qui t'aime.

[Extrait du journal]
Jeudi 15/01/1925

Elias, par un bref appel m'a donné rendez-vous à l’Hôtel Chelsea à 20H… en précisant, chose étrange, que la discrétion serait de mise. Compte tenu du caractère inhabituel de sa requête, j'ai demandé à mon cousin Mickael de m’accompagner. Une fois sur place, le hasard nous fit rencontrer Melle Lisa, elle aussi venu voir Elias.
Alors que nous nous rendions à la chambre de ce dernier, des bruits, que dis-je des heurts, provenant de la chambre même d’Elias nous alarmèrent! Tout alla si vite que je ne puis jurer que mon récit sera fidèle à la réalité.
Alors que Lisa et moi enfoncions la porte de la chambre, un sauvage vêtu d’un pagne et d’un turban se jeta sur nous, un long poignard en main!!  Je ne peux encore m’expliquer où cette demoiselle trouva le courage de foncer tête baissée à l’intérieur avec Mickael. Pour ma part, prise de panique, je ne pus qu’appeler à l’aide.
J’ai l’impression qu’il se passa une éternité sans que personne ne vienne, quand des coups de feu retentirent!!!
Je ne sais exactement combien d’hommes étaient à l’intérieur mais je suis sûre que mon cousin en pris au moins deux en chasse. Malheureusement, cette course poursuite n’aboutit à rien sinon au décès d’un des agresseurs. Le plus malheureux fut cependant l’état dans lequel on trouva ce pauvre Elias. Il gisait ensanglanté sur le lit et portait un signe étrange scarifié sur le front. Mon dieu... ces monstres...  que lui ont-il fait ! Il était … plus que meurtri dans sa chaire, au-delà de l’imaginable. Je prie pour qu’il n’ait pas souffert quand ces fous s’en prenaient à lui mais je ne me fais guère d’illusions…
Une fois le choc encaissé, je fus alertée par l’état dans lequel la chambre se trouvait. Si les assassins d’Elias cherchaient quelque chose, il restait une chance que nous les ayons dérangés trop tôt. Mon instinct ne m’avait pas trompée ; et c’est bouleversée que je trouvais la sacoche d’Elias sous son lit.
Inquiétée par l’absence de Lisa et de Mickael je les retrouvais dans la cour, mon cousin était sévèrement blessé à l’épaule. Il nous narra son combat pour arrêter les agresseurs, trois selon lui. En pleine nuit, dans la neige. Il raconta comment ce sauvage lui assena un coup dans le dos et comment une voiture noire permit aux deux autres malfaiteurs de prendre la fuite! Malgré sa volonté d'interpeller l'agresseur indemne, il fut contraint de le neutraliser par la force, et le sauvage ne survécut pas au coup assené.
Le temps que la police arrive, nous apprenions à la réception qu’Elias avait réservé cette chambre le matin même. Le contenu de sa mallette fut riche en informations mais l’agent chargé de l'affaire, le lieutenant Martin Poole, nous la confisqua aussitôt. Bien qu’il soit le supérieur de Mickael il se montra des plus agressifs et nous convoqua au plus tôt pour obtenir nos dépositions.

Vendredi 16/01/1925

Comme convenu, nous nous rendîmes chez Lisa à 11h pour faire le point sur les récents événements.

De fil en aiguille, nous nous décidâmes à ne pas laisser l'affaire aux seules mains des incompétents censés représenter l'ordre (n'en déplaise à mon cousin).

Beaucoup de pistes s'offrirent à nous :
- Pourquoi  la carte de visite d'Edward Gavigan se trouvait-elle dans la sacoche ? Il est le directeur de la fondation Penhew certes, mais était-il au courant des affaires récentes d'Elias ?
- Nous avons trouvé des lettres. Une envoyée du Caire (datant de janvier 1919) par un certain Faraj Najir à propos d'une éventuelle vente d'objet. Une autre lettre, envoyée par Miriam Artwhight, à l'agence Prospero Press pour informer Elias que la bibliothèque de l'Université Miskatonic, à Arkham, n'avait pas le livre qu'il recherchait.
- Un paquet d'allumettes « Au tigre trébuchant, 10 lantern street, Fête et amité à Shanghai ».
- La photographie d'un port.
- Une affiche pour une conférence sur l'ésotérisme donnée par le professeur A. Cowle.
- Nous avons trouvé une note d'Emerson Import avec le nom de Silas N'Kwane. Notre première décision fut d' interroger  par téléphone Mr Emerson à propos d'un éventuel colis envoyé par ce Silas. Il nous apprit qu'il  avait rencontré notre ami Elias mais qu'il n'avait jamais traité avec lui.

Mickael a rencontré ce matin son supérieur. Il lui a fait part des similitudes troublant entre le meurtre d'Elias et les meurtres attribués à Scaryface que les journaux relatent. et a obtenu deux jours de repos. Il nous a rejoint et a contacté par téléphone la bibliothèque de l'Université Miskatonic. Miriam Artwright l'informa qu'Elias était à la recherche d'un ouvrage « Les sectes secrètes d'Afrique ». Ce livre semble avoir disparu de la bibliothèque d'Arkham durant l'été 1924. L'auteur, inconnu, serait un prêtre espagnol. Fait surprenant, les témoins parlaient d'une odeur immonde le jour de la disparition.

Samedi 17/01/1925

Avec le temps, la blessure de mon cousin ne s'améliora pas, au point que ce dernier fit un malaise alors que nous déjeunions. Il semblerait que l'arme qui l'a blessé était enduite d'un poison rudimentaire...
J'ai fait une entorse au règlement pour contacter une patiente, Adélaïde Summer, afin de lui exposer notre problème. Adélaide, qui a été missionnaire pendant une longue période, nous mit en contact avec Soeur Loretta, infirmière dans une congrégation religieuse installée dans Manhattan. Face à la recrudescence des crises de Mickael, nous prîmes contact avec cette religieuse qui, apprit-on, a officié au Kenya. De fait, elle connaissait parfaitement le « pranga », l'arme qui blessa Michael. Elle lui administra un soin pour ralentir le poison sans pouvoir pour autant l'endiguer...
Soeur Loretta avait déjà vu le fameux signe sur lequel nous cherchons des informations. Elle nous parla du culte de la langue sanglante. Cette secte prendrait ses origines en Egypte ancienne. Le signe en question serait une rune issue de ce culte, chassé d'Egypte au temps des Pharaons, et qui aurait remonté le Nil pour s'installer au Kenya.

Pendant ce temps,  Lisa fit une visite chez Miss Post, une amie proche des Carlyle. C'est une chance d'avoir avec nous une jeune dame de son rang, je crois que sans elle nous n'aurions jamais eu la chance de pénétrer dans ce cercle fermé qu'est celui de la bourgeoisie. Miss Post nous apprit que son amie Erica (qui ne semblait pas s'entendre avec son frère) est convaincue que Roger n'était pas lui même avant son départ.

Il est tard mais je vais me mettre en route pour prendre mes appartements chez mon cousin. Bien que lui et moi ne soyons pas très proche, je suis inquiète quant à l'évolution de son état.

Lundi 19/01/1925

Que de choses se sont passées en deux jours à peine.
Après une visite très tôt au commissariat, nous avons obtenu grâce à Mickael la liste des professions et des lieux de résidence des victimes de Scaryface. Nous avons ainsi pu faire une liste plus ou moins précise des meurtres et des lieux de crime. Nous l'avons aussi mise en relation avec les événements de la tragédie Carlyle sans pouvoir faire de liens probants pour le moment.

En dépouillant les journaux, on trouva notamment un article du 16 janvier 1925 sur la conférence de Cowles.

Une visite à la boutique Ju-Ju nous a permis de mettre au clair certains faits. Le propriétaire, monsieur N'Kwane, est originaire de Mombasa. Homme aimable, il possède une impressionnante collection d'objets africains. Nous fûmes cependant surpris par sa réaction quand nous abordâmes la question de la marque sur le visage d'Elias. Ne voulant pas être mêlé à Scaryface, il nous demanda de quitter sa boutique.

En fin de matinée, Kensington, le patron de l'agence Prospero Press a accepté de nous recevoir. Pour lui, Elias était persuadé que l'expédition Carlyle a été décimée par un culte et que tous les autres membres ne sont pas morts.
Il nous montra un courrier d'Elias datant de l'été 1924  à ce propos.
Elias écrivit ensuite plusieurs fois pour demander des avances de frais, depuis Nairobi le 08 aout 1924 notamment. Nous savons qu'il expédia des télégrammes depuis l'Afrique et la Chine. Dans un de ces documents, il dit qu'il avait assisté à l'inimaginable...

Un passage rapide à l'agence le 15 janvier lui permit de remettre à Kensington son carnet.

Déplacements d'Elias :
peu avant le 25/06/1924 il quitte NY pour Nairobi
25/07/1924 arrivée à Nairobi
08/08/1924 il écrit à Kensington
16/08/1924 il quitte le Kenya pour la Chine
17/09/1924 il envoie un télégramme à Kensington pour une avance
13/11/1924 il part du Caire pour rejoindre Londres
16/12/1924 il envoie une autre demande d'argent
17/12/1924 il se dirige vers NY
13 ou 14/01/1925 il arrive à NY

Parmi les documents que Kensington nous fournit, une note envoyée dans la matinée du 19 janvier, rédigée par Emerson, informe Elias qu'il a des informations pour lui. Il semble qu'une visite à ce monsieur serait des plus intéressantes...


Le carnet d'Elias

«Bien des noms, bien des choses pour la même chose et le même tout! Besoin d'aide!»

Dans ce carnet, les notes sont désordonnées, parfois illisibles.
Elias évoque des rêves effroyables, qu'il compare à ceux de Carlyle. Il pense consulter les dossiers du psychanalyste de ce dernier.
Nous trouvons quelques noms jetés sur les pages :
- James B...ington à Scotland Yard.
- ...bl.. de Miles Shipley
-Edward Gavigan
-Mickey Mahoney au Scoop

Sans compter les divagations sur l'origine accidentelle des Hommes et sur une protection apportée par l'Océan, on trouve d'étranges allusions imprécises, comme :
« Ils vont ouvrir le portail »

Enfin, chose importante, des livres devraient se trouver dans le coffre de Carlyle

Les liasses de documents nous donnent d'autres éléments :

- Aucune trace de vie n'a été détectée sur les lieux du massacre, aussi bien animale que végétale. Ce fait est mis en lien avec la malédiction du vent noir.
- Une interview de Johnstone Kenyatta évoque le culte de la langue sanglante. La
prêtresse de ce culte serait dans les montagnes et ne serait pas originaire d'Afrique . Elle est, semble t-il, détestée par les locaux.
On parle de grandes créatures ailées et d'un dieu nommé «Sam mariga, gare».
- L'itinéraire de l'expédition Carlyle semble être un fait important et notamment le détour par le Kenya.
- Le Lt Mark Selkirk parle d'un massacre que même des bêtes n'auraient pas fait.
Seuls les porteurs noirs sont morts et les blancs ont été épargnés. Sans compter que pour lui l'accusation et le procès ayant fait suite au massacre n'étaient qu'une mascarade.
-Au Victoria's Bar à Nairobi, un mercenaire nommé Nelson aurait croisé Jack Brady à Hong Kong en mars 1923 !

Nous devons absolument rencontrer la sœur de Carlyle pour discuter et avoir accès à certains documents. Il serait bon aussi de rendre visite à Emerson et de contacter le professeur Cowle.
Il se fait tard, mes compagnons m'attendent.



[Fin de la partie le 19/01/1925 à midi]

Les Masques de Nyarlathotep - les investigateurs




Jackson Elias a contacté deux anciennes connaissances par télégramme pour les informer de son retour imminent à New-York, en ce début d'année 1925. Il les a rappelées le jeudi 15 janvier pour leur donner rendez-vous à 20 heures dans la chambre qu'il loue à l’hôtel Chelsea, pour les entretenir de l'expédition Carlyle. 

Il s'agit de miss Angela Hopper , 35 ans, psychiatre (Julie) et de miss Lisa Mary Jane Evans, 28 ans, aviatrice et baroudeuse (Annabelle). Cette première, inquiète du ton inquiet et mal assuré de la voix d'Elias, s'est faite accompagnée de son cousin, Mickael Freeman, 25 ans, jeune inspecteur de police tout juste nommé dans le Downtown (Jérémy).